L’exercice du droit de propriété sur le sous-sol par le propriétaire foncier
Dans le cadre de l’expertise juridique d’un ensemble immobilier de deux immeubles situés dans le quartier des Pâquis à Genève, j’ai analysé l’arrêt du Tribunal fédéral ATF 132 III 689 en date du 31 août 2006 concernant la question juridique de l’exercice de son droit de propriété sur le sous-sol par le propriétaire du terrain.
Dans les faits
Une compagnie d’assurances est propriétaire de 2 parcelles, voisine d’une parcelle appartenant à la commune de Lausanne d’où proviennent les immissions. La commune de Lausanne a octroyé un droit de superficie distinct et permanent (DDP) en faveur d’une coopérative (« la Constructrice ») pour construire deux immeubles.
Problème : les travaux d’excavation réalisés pour construire les deux immeubles ont aussi affecté le terrain de la compagnie d’assurances. La Constructrice et ses mandataires ont dû poser des ancrages permanents au sous-sol de ses 2 parcelles. La compagnie d’assurances a ouvert une action contre la commune de Lausanne et la Constructrice qui subissait une moins-value de 160’000 frs. de son terrain en raison de la présence de ses ancrages permanents en sous-sol et que le coût de remise en état des aménagements extérieurs endommagés peut être évalué à 145’000 frs.
En vertu de l’art. 667 al. 1 CC, “la propriété du sol emporte celle du dessus et du dessous, dans toute la hauteur et la profondeur utiles à son exercice. ”
En droit
Cela suppose, selon la jurisprudence et la doctrine, que le propriétaire ait un intérêt digne de protection quant à l’exercice, même éventuel, de son droit dans le sous-sol. Un tel intérêt n’existe, quant à un certain espace au-dessous du sol, que si le propriétaire peut dominer cet espace et exercer les possibilités d’utilisation qui découlent de la propriété, ou si des agissements de tiers dans cet espace porteraient atteinte à l’utilisation du fonds.
Si la remise en état des aménagements extérieurs endommagés n’est pas contestée, force est de constater que la compagnie d’assurances n’a pas établi avoir un intérêt à un exercice de son droit de propriété sur le volume du sous-sol de ses 2 parcelles dans lequel pénètrent les quatre ancrages permanents litigieux.
Elle n’a pas prouvé en quoi la présence desdits ancrages affecterait les possibilités d’utilisation future de ses parcelles et entraînerait de ce fait une moins-value (Cf. ATF 122 II 246 pour la moins-value subie par une parcelle en raison de la perte de possibilités de construction en sous-sol liée à la construction d’un tunnel).
Au 2.3.1. dudit arrêt, il est fait mention d’un arrêt relativement ancien dans lequel le Tribunal fédéral a jugé que les superficiaires d’un fonds qui entendaient y ériger un parking de plusieurs étages avaient seuls qualité pour défendre à une action en prévention du trouble, laquelle ne pouvait être dirigée contre la propriétaire du bien-fonds (superficiant).
En effet, les immissions redoutées ne proviendraient pas du fond de base, mais du bâtiment qui devait y être érigé en exercice du droit de superficie. L’atteinte redoutée ne pouvait dès lors pas être le fait de la propriétaire dans l’exercice de son droit de propriété, mais uniquement celui des superficiaires dans l’exercice de leur droit propre (arrêt du 30 juin 1931, reproduit un ZR 30/1931 n° 146 et évoqué à l’ATF 91 II 281, consid. 5b).
En conclusion, il incombe au propriétaire foncier de prouver qu’il a un intérêt digne de protection à l’exercice de son droit de propriété sur le sous-sol considéré (extension verticale de la propriété foncière). La IIe Cour civil du TF a partiellement admis le recours en réforme de la Coopérative et le jugement attaqué réformé, qui ne doit payer que la somme de 145’000 frs. avec intérêts. Le versement de l’indemnité de 160’000 frs. a été rejeté.
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